Tanguy ne prendra plus jamais le train. La SNCF lance le TGV Inoui Comedy Club, il va y avoir du standup dans les rames.
J’ai une théorie: plus une société est malheureuse, plus il y a de comiques. Parce que si on rigolait tous les jours, on n’aurait pas besoin de payer des pros pour ça. C’est comme quelqu’un qui est toujours satisfait sexuellement: il ne va pas souvent voir des prostituées, sauf s’il a vraiment trop de temps, ou de liquide séminal. Voire les deux, si c’est Bruno Le Maire, qui doit déjà plancher sur la suite de son roman érotique, «Renflement brun 2 ». J’imagine bien le teaser: «Il est de retour, plus brun, plus enflé, Renflement brun 2, à voir dès le 12, ou dès que quelqu’un ramasse un truc par terre sans culotte». Non mais sérieusement, des comiques, il y en a partout! C’est pire que les punaises de lit. Rien qu’à France Inter, on est 120. Au début, Daniel Morin était le seul à faire rire sur cette radio, dans les années 60. Puis les directions successives se sont lassées de la crédibilité et ont tout saccagé. Il y a dix ans, tu faisais deux chroniques sur Inter, et hop, tu remplissais le théâtre de Colmar. Aujourd’hui, on est tellement nombreux que même après quatre saisons, tu te retrouves à jouer dans un ancien PMU, rebaptisé «le Balto Comedy Club» pour faire tendance, face à quatre poivrots qui se déchirent à l’alcool de pêche.
Prenons Bruno Peki, notre nouvel humoriste suisse. Un petit gars, recueilli à la naissance par un couple de marmottes, qui depuis ronge des bouts de bois. Ce type a tout: une assurance folle pour son âge, une masse de cheveux incroyable, au point que Daniel et moi avons sérieusement envisagé de payer un tueur marseillais de 8 ans et demi pour l’éliminer, par pure jalousie. Et en plus, il est sympa, ce qui est rarissime dans nos métiers. Nagui, d’ailleurs, votre autobiographie pourrait s’appeler «J’ai croisé des connards, moi, une épopée française de 1924 à 2024 ». Et Bruno Peki, ce gamin, débarque dans un monde déjà saturé de comiques. Il ne sait pas encore qu’il lui faudra 30 ans pour percer. C’est pour ça que je mentionne son nom, Bruno Peki, le plus souvent possible. Bruno Peki. Lui ne se rend pas compte que la vie est courte, vu qu’il a dû sortir du placenta avant-hier. Mais nous, les anciens, Daniel, Jean-Louis, Nagui, et Leïla (pardon, madame, mais votre prompteur sur France 2 est dans le champ), on sait que le temps file. Tempus fugit, comme disait ma prof de latin, avant de se rendre compte qu’elle avait encore oublié ses craies.
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Le rire est partout, et on n’en peut plus. Une fois, j’ai mis LCI et j’ai vu un éditorial d’Arlette Chabot. C’était tellement neutre, ça m’a fait du bien. Si je l’avais croisée à ce moment-là, je l’aurais embrassée. Elle m’aurait probablement mis un coup de tête en retour, mais tant qu’on n’essaie pas de me faire rire, je suis content. Ah, quelle joie de tomber sur une émission d’Ali Rebeihi sur la dépression, ou de lire un article sur le cancer colorectal sur Doctissimo! Pas de blagues, pas d’applaudissements, juste du silence. On pourrait se croire plongé dans le CV de Michel Barnier. Hier, j’écoutais un live du groupe Marquis de Sade en me tranchant les veines avec la reliure d’un livre sur la Saint-Barthélemy quand j’ai vu un reportage sur BFM-TV. J’avais allumé BFM pour recevoir quelques mauvaises nouvelles et me reposer l’esprit, loin de l’humour. D’ailleurs, j’écoutais en même temps quelques-unes de mes propres chroniques.
Ce reportage m’a mis en rage. Figurez-vous que la SNCF, à qui on demande simplement trois choses — 1) que les trains partent à l’heure, 2) qu’ils arrivent à l’heure, et 3) que tout le monde ferme sa gueule entre les deux — lance le TGV Inoui Comedy Club. J’ai cru que c’était une blague. Mais non. Le 17 octobre, il y aura un spectacle de stand-up sur un Paris-Lille. Ce jour-là, prenez l’avion. De toute façon, la planète est foutue. J’ai discuté avec Hugo Clément à ce sujet, il s’est mis à pleurer. Le 17, ce sera Baptiste Lecaplain qui inaugurera cette horreur. Je n’ai rien contre lui, il est très bon. Je l’ai croisé une fois à Brest, il souriait, ce qui m’a fait douter qu’il soit vraiment dans l’ambiance de la ville. On s’était retrouvés après nos spectacles respectifs au restaurant de l’hôtel Vauban. Il m’avait dit: «J’ai fait une salle de 1500 places, et toi? » J’avais répondu: «Ta gueule. » Mais Lecaplain ne réalise pas qu’il est en train d’ouvrir la boîte de Pandore. Si ça marche, la SNCF va généraliser le stand-up dans les trains. Alors, Baptiste, je t’en supplie, plante-toi. L’avenir de nos voyages, de notre santé mentale, en dépend.
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